Cet article est la deuxième partie d’une traduction de la présentation donnée par Richard Gebhard, président d’Assembly Technology Inc. à la Solid Edge University 2013. Il présente une méthodologie de modélisation de pièce en ordonnée (historisée) pouvant « résister » à de nombreuses modifications de son arbre de fonctions. Richard Gebhard l’a nommé « a resilient modeling strategy », nous traduisons par “stratégie de modélisation robuste”

La première partie “stratégie de modélisation robuste – partie 1”  présentait un exemple des risques d’un arbre construit sans méthode et son équivalent construit avec la méthode RMS. Attardons nous maintenant sur les détails.

Un arbre de construction RMS

Un arbre RMS est divisé en 6 groupes. Il commence par les fonctions de référence.

  1. Le groupe de référence

Une stratégie de modélisation robuste - Digicad

Les Fonctions de Référence – Stratégie de modélisation robuste

Les fonctions de référence représentes les pré-requis à la conception de la pièce : des plans d’implantations, images, modèles surfaciques (copie de pièce), etc. Elles sont en haut de l’arbre pour que toutes les fonctions puissent les voir et les utiliser.

  1. Le groupe de base (« core features »)

Une stratégie Solid Edge de modélisation robuste

Les Fonctions de Base

Les fonctions de base sont des « supers fonctions » faites à partir d’esquisses complètement contraintes d’éléments prismatiques avec des arêtes vives et des surfaces propres (planes, cylindrique, conique). Elles définissent la forme, la taille et l’orientation globale du modèle.

  1. Le groupe de construction

Une stratégie Solid Edge de modélisation robuste

Les Fonctions de Construction

Les fonctions surfaciques regroupent les surfaces et les courbes (et leurs esquisses) qui seront utilisées plus tard dans la modélisation de la forme finale du modèle.

  1. Le groupe des détails

Les Fonctions de Détails

Les fonctions de détails ajoutent des fonctionnalités au modèle : trous oblong, perçages, encoches, protrusions et tout autre détail de la pièce. Ces fonctions peuvent faire référence à des fonctions du groupe de référence, de base ou de construction, mais elles ne peuvent pas faire référence à d’autres fonctions du groupe détail.

Pour s’assurer de ce dernier point, l’utilisateur désactive chaque fonction de détail au fur et à mesure qu’il les crée, pour les réactiver une fois la pièce finie. Ainsi il ne peut s’appuyer sur des arêtes d’autres détails.

Si lors de la réactivation, une fonction entre en échec, ou si une des fonctions doit finalement référencer une autre fonction de détail, celle-ci doit être déplacée vers le groupe de base (2).

  1. Le groupe de modification

Les fonctions de modification

Le groupe de modification est là où nous plaçons les symétries, matrices et dépouilles. Ce groupe peut également inclure ce qu’on appelle les « fonctions finales ». Ce sont les fonctions qui peuvent affecter plusieurs éléments du groupe de base ou des surfaces, comme par exemple un enlèvement de matière globale à la pièce pour des raisons de tolérance ou de jeu de fonctionnement. Ce sont toujours les dernières fonctions de ce groupe.

  1. Le groupe « en quarantaine »

Les fonctions cosmétiques – Stratégie de modélisation robuste

Les fonctions de ce groupe sont principalement les congés et chanfreins qui coupent les arêtes dures du modèle. En plaçant ces fonctions à la fin de l’arbre, nous réduisons significativement leur possibilité de mettre en échec les autres fonctions. Il faut tout de même rester prudent lors de la cotation de ces fonctions en mise en plan.

Résumé :

Groupe

Description

Exemples

Notes

Liaisons

1-Référence

Toutes les références et pré-requis, les rendant disponibles pour toutes les fonctions de l’arbre

Copies de pièce, esquisse d’implantation, image, systèmes de coordonnées et plans de références

Pas de fonctions solides

Si c’est visible, alors vous pouvez vous y attacher

2-Base

Les “supers fonctions” qui déterminent la forme, la taille et l’orientation globale du modèle

Extrusion, révolution, balayage, raccordement, coque

Ajout de matière

3-Construction

Les esquisses, courbes, surfaces modifiant la forme finale du modèle

Surfaces, courbes 3D, esquisses, relimiter, prolonger, diviser…

Pas de fonctions solides

4-Détail

Les fonctions qui s’attachent aux fonctions du groupe de base comme les enfoncements, trous oblongs, perçages

Extrusion, révolution, balayage, raccordement, perçage, enlèvement

Typiquement enlève de la matière

Liaisons vers les groupes précédents sont OK, mais pas entre elles !

5-Modification

Les fonctions qui orientent ou dupliquent, et parfois les “fonctions finales”

Dépouilles, matrices, symétries, fonctions finales

Modifie la géométrie existante

Ne pas répliquer les fonctions de base

6-Quarantaine

Les fonctions d’habillages qui ne doivent jamais être en référence d’une autre fonction

Chanfreins, congés

Les plus grands en premier

Pas de restriction

La réalisation d’un tel arbre demande un peu de pratique. Mais après quelques pièces réalisées sur ce modèle, nous nous rendons rapidement compte que cette méthode peut accélérer la conception des pièces.

Renommer les fonctions

Depuis le début, nous nous sommes concentrés sur l’ordre des fonctions dans l’arbre. Un autre aspect de cette méthode est de créer des modèles réutilisables, donc simple et « évident », clair.

Un modèle clair est un modèle compréhensible et éditable simplement en regardant l’arbre de construction. Cela ne doit pas demander de l’intuition ou de l’interprétation. En effet l’intuition est entièrement dépendante de la personne qui réalise la pièce et ne sera pas forcément la même d’un utilisateur à un autre. Un modèle intuitif ne sera rien d’autre que le reflet de ce que le concepteur juge évident. Ainsi, plus le concepteur est expérimenté, plus le modèle « intuitif » sera « implicite », vague, et donc complexe à modifier !

Un des buts de l’arbre de construction est de transmettre les intentions de conceptions. Une étape simple et suffisante pour le faire est de renommer les fonctions.

Une stratégie Solid Edge de modélisation robuste

Communiquez vos intentions de conception en renommant les fonctions !!

En renommant les fonctions, la simple lecture de l’arbre donnera presque toutes les informations nécessaires au concepteur devant effectuer une modification.

Une stratégie solid edge de modélisation robuste - Digicad

Un modèle ainsi préparé ne demandera même pas de rejouer les fonctions ! Imaginons dans l’exemple ci-dessus que nous souhaitions modifier le diamètre du perçage du moyeu. Dans l’arbre de gauche, impossible de savoir d’un coup d’œil quel est l’enlèvement qui correspond. Dans l’arbre RMS, nous savons que tous les perçages se situent dans le groupe de détail. Dans ce groupe, nous pouvons rapidement non seulement repérer la fonction correspondante, mais en plus connaitre sa dimension actuelle.

L’arbre RMS, stratégie de modélisation robuste a pour but d’enlever toute supposition, estimation du travail de modification.

Une des remarques souvent formulées à l’encontre de cette pratique est que nous n’avons pas le temps de renommer toutes les fonctions ! Cette remarque découle en général de la supposition que le concepteur n’est payé que pour modéliser rapidement une pièce. Cette demande vient du responsable, du concepteur ayant besoin de la pièce dans un produit ou de toute autre personne devant manipuler la CAO. Mais il y a beaucoup de cas où la rapidité de conception n’est pas le seul élément à prendre en compte. Devoir reconstruire tout le modèle parce qu’un ordre de modification est arrivé avant que la conception soit finie par exemple.

La question est donc la suivante : vos modèles doivent-ils être modifiables ?

Si la réponse est non… vous devriez peut être reconsidérer votre réponse. Les entreprises les plus performantes repensent sans cesse la conception de leur pièce. Des modèles facilement modifiables deviennent un prérequis nécessaire.

Si la réponse est oui… vous avez surement été confronté à des modèles non modifiables, réalisés par vous ou d’autres personnes. Il suffit alors d’une modification, pour que votre conception rapidement réalisée devienne extrêmement lente. Si vous êtes un concepteur et que vous prenez l’initiative de suivre cette stratégie de modélisation, vous pourrez facilement réutiliser des modèles d’anciennes conceptions pour réaliser rapidement vos nouveaux projets. Les concepteurs capables de suivre et réaliser rapidement des révisions, des ordres de modification (les fameux « ECO ») sont souvent ceux qui se font remarquer et montent dans la hiérarchie.

Note de la rédaction (Nicolas Bernard) : Si vous êtes arrivé jusqu’ici, vous êtes déjà convaincu que la modification de vos modèles est une problématique plus importante que la rapidité de la première modélisation. Le point de vue de l’auteur Richard Gebhard a été donné ci-dessus. Mon point de vue personnel concernant le nommage des fonctions est le suivant : si cette pratique peut être longue et fastidieuse au regard des fonctions d’éditions dynamiques très rapidement accessible (double clic sur la face à modifier, sans rechercher la fonction dans l’arbre), la redondance de la cotation peut être vue comme une sécurité supplémentaire, chaque modification apparaissant dans le nom de la fonction ayant forcément été voulue et réfléchie. Si le but d’une méthodologie est d’uniformiser la conception de tous les utilisateurs, et donc que chaque personne ne l’adapte pas « à sa façon », ce point particulier pourra certainement être discuté avec les collègues et responsables : renommer les fonctions, oui, avec les dimensions ?

Réutiliser les modèles

La réutilisation des modèles est la promesse inachevée de la CAO solide paramétrique et historisée. En utilisant la stratégie RMS, vous pourrez non seulement effectuer des modifications plus rapidement, mais aussi :

  • Créer des « familles de pièces » simplement par copier-coller, renommer, modifier.
  • Copier et modifier les pièces similaires, sans réinventer une modélisation (ne réinventer pas la roue à chaque fois !)
  • Un modèle, toutes les révisions : cette méthode très particulière utilise les fonctions d’éditions directes à la fin de l’arbre pour historiser toutes les révisions d’une même pièce. C’est un autre sujet, un autre article.

Renommer les fichiers

La réutilisation des modèles est grandement facilitée par l’utilisation de la méthode RMS. Encore faut-il retrouver les fichiers correspondants ! Vous savez tous que la façon de nommer les fichiers est critique en CAO. Nous ne discuterons pas ici de la gestion des données par une application tierce, de la façon d’organiser ses fichiers en dossiers ou de remplir ses propriétés, mais simplement du nom des fichiers dans Windows (ou de la propriété titre).

Après de nombreux livres sur le sujet, des années d’études et de pratique, il se trouve que le nom des fichiers doit se réduire à quelques règles basiques et de bon sens. La première règle étant : rester simple ! Plus vous mettez d’informations dans le nom du fichier, plus d’exception surgisse, jusqu’au point où le système est tellement compliqué que plus personne ne l’utilise !

  • Vos pièces : Catégorie – Numéro – Version – Révision
  • Système de fixation : Type de tête – Filetage – Longueur – Version
  • Pièce standard : Forme – Version

Note : version est entendu dans le sens de variante, deux pièces similaires mais avec des cycles de vies indépendant (validée, obsolète, etc.). A ne pas confondre avec l’indice de révision (A, B, etc.) qui représente les ordres de modification, l’obsolescence d’une pièce, etc.

Implémentation de la stratégie RMS

Comment mettre en place cette stratégie de modélisation robuste ?

La première étape est de rédiger un manuel des bonnes pratiques. Beaucoup de tentatives ont été réalisées sans succès. Une des raisons est en générale leur longueur et leur complexité. Voici 3 règles qui aideront à sa rédaction :

  • Une liste des prérequis minimum pour vos solides. Ne supposez rien de « trivial ».
  • Créer un manuel des bonnes pratiques sous la forme d’un exercice avec des exemples. Evitez les livres interminables qui trainent dans les armoires. (ndlr : c’est le but de nos guides publiés sur le blog ! Et la raison pour laquelle lors des formations nous ne fournissons pas les manuels de formation au format papier mais seulement en pdf.)
  • Chaque document doit être indexé et géré au même titre que vos modèles CAO : un indice de révision et une mise à jour avec la prise en compte des nouveautés des versions de Solid Edge.
  • Réalisez une checklist simple, utilisable par quiconque doit valider une modèle.

Un exemple de checklist.

Une stratégie solid edge de modélisation robuste - Digicad

Revenir à l’accueil du site.

Traducteur : Nicolas Bernard
Auteur : Richard Gebhard

1 réflexion sur “Une stratégie de modélisation robuste – Partie 2”

Les commentaires sont fermés.