Les 2 premières parties de cet article présentait une stratégie de modélisation ordonnée, historisée, exposée par Richard Gebhard. Cette stratégie est bien sûr valable pour n’importe quelle CAO. Le logiciel CAO Solid  Edge propose quelque chose de plus : La simplicité de la Technologie Synchrone . Qu’apporte la Synchrone dans cette méthodologie ? Peut-on applique une stratégie de modélisation robuste équivalente en Technologie Synchrone ?

Le constat de départ est le même : la modélisation historisée est complexe à manipuler dès lors que l’on veut modifier la pièce – et ça peut arriver en cours de modélisation ! La Technologie Synchrone est une réponse plus radicale : nous l’avons vu avec la méthode « RMS » (Robuste Modeling Strategy ou Stratégie de Modélisation Robuste), si la complexité vient de l’historique de l’arbre de construction, débarrassons nous de cet historique !

Une méthode de modélisation directe

Le principe de base de la Synchrone est la modélisation « directe », ou « explicite ». Concrètement, le concepteur ne manipule plus des fonctions, mais des « topologies », les faces de la pièce, directement. Une fois que la matière est ajoutée – par une extrusion, une révolution, un balayage, etc. – les faces se libèrent de leur historique : le trait de l’esquisse. L’utilisateur peut donc déplacer, tourner, agrandir une face sans se soucier de la fonction qui l’a créée, sans se soucier des fonctions qui l’ont modifiée.

La méthode RMS de modélisation robuste n’a donc à première vue aucun intérêt, et c’est une des grandes forces de la Synchrone : ne pas se poser trop de question. Ajouter, enlever, modifier, rajouter, enlever à nouveau, etc. Seul le résultat compte, le chemin n’a aucune importance : il n’alourdit pas le fichier, il ne complexifie pas les modifications futures.

En pratique, cela ressemble aux fonctions d’éditions directes que l’on trouve en ordonnée dans le groupe « Modifier ». A un détail près toutefois : l’historique ! Chaque utilisation d’une fonction ordonnée de modification va s’ajouter à l’arbre. Cela a un avantage : l’utilisateur peut modifier une fonction de modification (une bonne idée ?), la supprimer, ou utiliser cette approche pour une méthode de gestion des révisions à l’intérieur de l’arbre de construction : chaque nouvelle fonction de l’arbre représente un indice ou un sous-indice de révision. C’est la méthode qui a été mentionnée dans la partie 2 de cet article (page 6).

Une ressemblance avec les fonctions de modification… à un détail près : l’historique

Cela a un inconvénient : l’arbre solid edge se complexifie encore un peu plus ! Et le fichier s’alourdit. Et une fois que l’on part dans cette direction, nous sommes obligés de continuer avec. En effet, l’esquisse et les côtes de l’extrusion de départ ne représente plus le modèle final ! Et l’on s’éloigne de notre but qui est la simplification de l’arbre, la simplification des modifications.

Ainsi, si les fonctions de modification ressemblent fortement à la Synchrone (déplacer, tourner des faces), le principe est complètement à l’opposé.

Une méthode sans historique

Revenons au principe énoncé plus haut : Une fois que la matière est ajoutée, les faces se libèrent de leur historique : le trait de l’esquisse. L’utilisateur peut le voir rapidement : l’esquisse passe dans le groupe « esquisses utilisées ». Il s’agit d’une poubelle : l’utilisateur peut récupérer les traits, mais en aucun cas les traits ne contrôlent les faces du modèle.

Quant à l’arbre des fonctions, il n’a pas d’ordre. Nous avons d’ailleurs la possibilité de le trier selon le nom, selon le type, ou laisser l’ordre de création. De plus, il porte mal son nom : la plupart des fonctions n’en sont pas ! L’extrusion par exemple représente simplement l’ensemble des faces qu’elle a créées. De plus, cliquer dessus ne servira pas à grand-chose : pas de modification de la définition, pas d’édition d’esquisse !

L’arbre solid edge des « fonctions » Synchrone, sans historique, sans ordre et leurs « esquisses utilisées »

Pourquoi ? Parce que le concepteur ne manipule pas des fonctions, mais des topologies, les faces du modèle, directement.

Seules les « fonctions procédurales » ont un intérêt à se trouver dans l’arbre : les matrices (nombres d’instances, espacement, type), les perçages (dimensions, type, filetage…), les hélicoïdes (pas, hauteur, nombre de tours), les oblongs (trajectoire, largeur, profondeur). Ces véritables fonctions contiennent plus d’information que leur topologie seule. Ainsi, la position d’un perçage, d’un oblong, l’orientation d’une matrice se modifient avec les outils synchrone. Les autres paramètres citées précédemment s’enregistrent dans la fonction. Elles sont historisées et doivent donc se retrouver dans l’arbre. Elles sont historisées, mais pas ordonnées.

En pratique, comment l’utilisateur modifie une pièce solid edge s’il n’a pas accès aux esquisses ? Nous ne détaillerons pas ici le fonctionnement de la Synchrone. Un prochain article présentera des astuces, des bonnes pratiques. Mais citons les outils de modification qui se présente à l’utilisateur :

  • Les fonctions ! Ajouter, enlever de la matière, créer une symétrie, une matrice, un perçage, un raccordement, etc. Comme en ordonnée !
  • Les cotes : les cotes d’esquisses et de prolongement sont transférées sur les arêtes du modèle. L’utilisateur peut les modifier, les verrouiller, en rajouter. Si l’arête existe, une cote peut s’y accrocher. Si l’arête n’existe pas, les live sections peuvent la créer !
  • Le compas : l’équivalent des fonctions ordonnées du groupe « modifier ». Déplacer, tourner les faces directement.
  • Les relations géométriques : rendre 2 faces coplanaires, symétriques, concentriques, perpendiculaire, horizontales, etc. L’équivalent des relations dans l’esquisse.

La Synchrone et la RMS

La méthode RMS (stratégie de modélisation robuste) est-elle alors applicable à la Synchrone ? Pas directement bien sûr. Mais nous pouvons faire quelques parallèles intéressants, en partant du bas de l’arbre.

La première astuce lorsqu’on débute avec solid edge en synchrone est : ne pas tout faire en synchrone ! Les congés et chanfreins notamment doivent rester en ordonnée Il s’agit du groupe Quarantaine dans la méthode RMS, qui doit rester en dernier dans l’arbre de construction.

Le groupe Quarantaine reste en ordonné

Une deuxième remarque concerne les « fonctions procédurales » dont nous avons parlé plus haut : perçages, matrices, dépouilles, oblongs… Remarquez que toutes ces fonctions font parties des groupes Détails et Modifications. Elles n’appartiennent pas au groupe de base. Ainsi on se retrouve avec un pseudo-groupe détails contenant les fonctions procédurales, liées uniquement aux faces synchrones créées par les ajouts de matière.

Enfin, nous conseillons de réaliser les formes complexes comme les remplacer faces, et toutes les fonctions de constructions (courbes, surfaces) en ordonné. Il s’agit du groupe « construction » dans la méthode RMS.

Ainsi, la topologie purement synchrone (extrusion, enlèvement) ne concerne que des formes prismatiques simples, comme le groupe de base.

Une stratégie de modélisation robuste, la technologie synchrone est plus efficaceUne stratégie solid edge de modélisation robuste, la technologie synchrone est plus efficace

Partie synchrone à gauche, ordonnée en plus à droite

Un mot sur le groupe référence : les esquisses, les copies inter-pièces et les images se comportent de la même façon en synchrone et en ordonné. Ce n’est pas le cas des copies de pièces, qui se font sans liaison.

Les groupes RMS en synchrone : résumé

  1. Référence : en synchrone, ou en ordonné pour les copies de pièces avec liaison
  2. Base : les formes créées en synchrone, prismatiques
  3. Construction : en ordonné
  4. Détail : fonction procédurale synchrone, en ordonné si forme complexe
  5. Modification : fonction procédurale synchrone si simple, en ordonné si complexe
  6. Quarantaine : en ordonné

On voit ici que les pièces avec un groupe construction vont souvent avoir une grande partie de l’arbre en ordonné. C’est pour cela qu’en général les pièces complexes sont déconseillées en synchrone. A une exception près : si la pièce devient si complexe qu’elle est de toutes façons impossible à modifier en ordonné, la synchrone a alors l’avantage d’être plus légère !

Si certaines fonctions resteront toujours en ordonné (les congés et chanfreins notamment), le choix de placer des opérations complexes en synchrone dépendra directement de l’expérience de l’utilisateur. Le débutant synchrone, expert ordonné passera rapidement à cette deuxième méthode. Puis, en acquérant de l’expérience en synchrone, il pourra réserver l’ordonné au strict minimum.

La politique de développement de Solid Edge n’est pas anodine : l’accent est mis sur une harmonisation et une interaction forte entre les deux technologies et les différents environnements de modélisation. La puissance de la conception est aujourd’hui dans une combinaison des possibilités : synchrone, ordonnée, modélisation robuste, tôlerie, pièce, sans oublier le multicorps et la modification dans le contexte de l’assemblage !

Cela demande de la formation, de la méthode, des astuces, et de la pratique. De futurs articles s’attarderont sur les astuces Synchrones : compas, cotes verrouillées, relations persistantes, multicorps, détacher, etc.

Un exemple

Pour terminer cet article, reprenons l’exemple de la pièce des 2 premières parties.

Une stratégie de modélisation robuste, la technologie synchrone est la réponse la plus efficace

La difficulté de cette pièce vient des bords de la base qui ne sont pas plan mais arrondi. En synchrone, ce type de géométrie est complexe à modifier. Or il s’agit de la base de la pièce. Une des techniques possibles est de créer une base carrée en synchrone et d’utiliser la fonction « remplacer face » en ordonné.

Partie Synchrone

Nous avons placé en synchrone tous les éléments prismatiques. Nous pouvons noter les points suivants :

  • La base est carrée. Les arrondies seront réalisés en ordonné. Cela permet de contrôler la forme de base en synchrone.
  • Les filetages sont en synchrone : en synchrone le diamètre du filetage contrôle le diamètre de l’arbre, ce qui n’est pas le cas en ordonné.
  • La nervure et la « tombstone » (la protrusion à droite dans l’image ci-dessous) sont créées droites pour simplifier les manipulations.
  • Les branches ne sont pas créées pour deux raisons :
    • Elles complexifient la géométrie, notamment en « mangeant » les 4 cylindres qui positionnent les perçages.
    • Leur esquisse ordonnée ne comporte aucune cote, aucune dimension.
  • Les perçages sont également posés en ordonnés pour pouvoir les inclure dans la matrice des branches ordonnées.

La partie ordonnée finalise la pièce.

Une stratégie Solid Edge de modélisation robuste

Partie ordonnée en modélisation robuste

On retrouve en ordonné les groupes de la méthode RMS :

  • Construction : les arrondis
  • Détails : perçages et branches
  • Modifier : matrice
  • Quarantaine : les congés

Une autre technique, plus orienté synchrone, est de placer la branche, les perçages et leur matrice en synchrone. Pour contourner la difficulté des arrondis de la base, nous pouvons nous inspirer de la méthode RMS et ne garder que les branches en synchrone, pour ne réaliser la base qu’en ordonné, avec les arrondis.

Une stratégie Solid Edge de modélisation robuste

Partie synchrone : la base est en ordonnée

Une dernière idée est de rompre la matrice, pour se reposer sur les live rules lors des modifications. L’intérêt ? Avec la matrice, nous devons choisir entre circulaire et rectangulaire. Avec les live rules, les modifications sont plus souples et nous pouvons choisir les relations à respecter au moment de faire la modification : alignement des perçages, symétrie des perçages… Ainsi, même si la base devient rectangulaire, la pièce se reconstruira correctement. Il sera toujours possible de recréer la matrice avec l’outil de reconnaissance automatique.

Et les liaisons dans tout ça ? Si j’augmente la hauteur de la base, que devient l’hexagone ? Et le cylindre ? C’est ici qu’intervient la puissance de la synchrone : les liaisons, vous les choisissez au moment de faire la modification, en verrouillant ou déverrouillant les cotes et les live rules. Nous pouvons bien sûr préparer ces liaisons en verrouiller dès le départ certaine cote, et obtenir par défaut le comportement de la version ordonnée.

Exemple de cotation synchrone : en rouge, verrouillé ; en bleu ou absent, libre.

Sur l’exemple ci-dessus, si j’augmente la hauteur du cylindre (22mm) c’est l’hexagone (14mm) qui se réduira. Je peux à tout moment changer de comportement en changeant le verrouillage des côtes.

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Nicolas Bernard